Changement climatique
Réchauffement climatique, changements climatiques, anomalies climatiques… des termes de plus en plus utilisés reflétant une réalité du présent mais surtout du futur.
Les anomalies climatiques, tel que les phénomènes cycloniques, sécheresses ou précipitations extrêmes, sont de plus en plus fréquentes au niveau mondial.
A la fin de l’année 2019, l’Australie subit des records de chaleur combinés à une sècheresse sans précédent auxquels s’ajoutent des vents particulièrement violents. Perth atteindra ainsi la barre des 40.4°C, nouveau record pour le mois de novembre.
L’association de ces différents facteurs favorise le déclenchement d’incendies. En Nouvelle-Galles du Sud, on recense actuellement plus de 160 feux de brousse, dont une soixantaine n’est pas encore contenu.
Plus proche de chez nous, les « épisodes méditerranéen » se multiplient avec toujours plus d’intensité, comme dans le département du Var, où il est tombé en 48h l’équivalent de deux mois de précipitations.
D’après les scientifiques de Météo France, ces épisodes sont de plus en plus fréquents et violents : « C’est surtout à partir des années 1990 que l’on constate une augmentation de la fréquence des fortes précipitations. Nous subissons déjà les effets du réchauffement climatique, c’est une évidence », précise Jean-Luc Marino, responsable du service prévision à Météo France.
Il y a les drames humains liés à ces phénomènes, auxquels vont s’ajouter les dégâts matériels : interruption du trafic ferroviaire, pannes d’électricité (avec de potentiels impacts sur la conservation des denrées alimentaires), routes coupées (accès aux stations de ski).
Secteurs d’activité météo sensibles
Les secteurs d’activité impactés par ces phénomènes sont dits « météo-sensibles ». Nous pouvons en distinguer quelques-uns : l’énergie, l’aviation, l’agriculture, le BTP, les transports routiers, la vigilance en faveur de la sécurité des personnes et des biens, la défense, l’adaptation au changement climatique, les besoins quotidiens du grand public et enfin la recherche et développement.
L’agriculture est certainement le domaine le plus météo-sensible : des phénomènes exceptionnels comme la sécheresse, le gel printanier ou encore la grêle vont directement impacter le rendement agricole des producteurs.
Les aléas liés au changement climatique constituent donc une menace pour ces secteurs d’activités remettant en question le fonctionnement d’assurance traditionnelles, réalisant ses tarifs en fonction de la probabilité de sinistre basé sur le rendement de l’année précédente.
Un élément de réponse : L’assurance paramétrique
L’assurance paramétrique, nommée également assurance indicielle ou indexée, se base en majeure partie sur des données météorologiques : dès lors qu’une anomalie climatique est constatée (sur la base d’un indice de pluviométrie, d’une température ou d’autres critères sélectionnés), l’indemnisation du sinistre est enclenchée.
Le principe de l’assurance paramétrique est la construction d’un indice corrélé avec la variable d’intérêts (c’est-à-dire les ventes, rendements agricoles, qualité des cultures, etc.). Cet indice doit cependant respecter certaines propriétés et se doit d’être :
- Observable et facilement mesurable ;
- Objectif ;
- Vérifiable indépendamment ;
- Communiqué dans un délai convenable ;
- Cohérent dans le temps.
L’essor des technologies d’imagerie spatiale, d’analyse météorologique et des possibilités d’analyse fine par le Big Data permettent de déterminer les primes au plus juste pour les assurés. Ce procédé permet finalement d’aboutir à un produit d’assurance sur-mesure.
L’assurance paramétrique présente plusieurs avantages sur une assurance dite traditionnelle :
La phase d’indemnisation se voit simplifiée et moins couteuse, puisqu’il n’est plus nécessaire de faire déplacer de couteux experts et le processus peut se dérouler en quelques jours.
L’aléa moral, qui est la possibilité qu’un assuré augmente sa prise de risque par rapport à la situation où il supporterait entièrement les conséquences négatives d’un sinistre, peut se traduire dans le cas de l’agriculture de la manière suivante : Un agriculteur peut effectuer de fausses déclarations sur ses récoltes sans que l’assureur puisse le vérifier à moindre cout.
L’assurance basée sur un indice supprime cet aléa puisque tous les assurés se voient proposer une indemnisation en échange du même taux de primes et qu’un bénéficiaire ne peut à priori pas influencer une température moyenne d’une station météorologique.
Le risque d’anti sélectionse voit diminuer. Causé par l’asymétrie d’information, ce risque peut voir un assureur mal informé proposer un contrat qui repousse les personnes informées (qu’il voudrait attirer pour contractualiser) et n’intéresser que celles avec qui il souhaite le moins développer commercialement. Dans le cadre de l’assurance paramétrique, lorsque le contrat d’assurance est signé suffisamment en avance, l’assuré ne détient pas plus d’information sur le risque couvert par le contrat d’assurance que la compagnie à laquelle il a transféré le risque.
Néanmoins, la mise en place d’une assurance paramétrique reste complexe et couteuse car elle nécessite encore une grande expertise technique avant de pouvoir commercialiser le produit.
Une complexité mettant en lumière le principal risque de l’assurance paramétrique qui est le calcul de son indice, puisque si celui-ci n’est pas correctement corrélé au risque à protéger, l’assuré peut être indemnisé sans préjudice et inversement.
Enjeux technologiques
L’avènement du Big Data et l’accroissement des puissances de calcul constituent un accélérateur dans le développement de l’assurance paramétrique puisque, dans le même temps, la précision des instruments de mesure augmente (résolution des images satellites par exemple) ainsi que la précision temporelle (mise à disposition horaire des données).
Un terrain de jeu au potentiel infini : « Il est par exemple possible de détecter l’émergence des algues pouvant menacer les élevages de saumon, de suivre les hauteurs de vague, de surveiller la chaîne du froid dans les camions ou d’établir des combinaisons d’indices permettant de mesurer le défaut de production végétale », illustre Tanguy Touffut, CEO de Descartes Underwriting.
Ajoutons à cela l’accès à l’open data et la profondeur d’historique, les maisons connectées, les possibilités de création de modèles complexes et précis devient maintenant une réalité et l’assurance paramétrique pourrait quitter son statut de niche.
« Avec le développement de maisons intelligentes équipées de capteurs, on peut tout à fait imaginer qu’elle s’applique aussi pour l’assurance habitation », d’après Antoine Denoix, directeur général d’Axa climate.
Perspectives
Bien qu’apparue il y a une vingtaine d’année dans les pays en développement par l’intermédiaire de programmes liés à la Banque Mondiale (tels que Giif pour Global Index Insurance Facility avec des applications dans l’agriculture), l’assurance paramétrique poursuit sa digitalisation et son marché tend à se globaliser et à s’entendre par-delà l’agriculture. AXA assure par exemple en Allemagne, des entreprises transportant leur production par voie fluviale en cas d’une certaine baisse de la hauteur d’eau du Rhin.
L’apparition d’assurtech (startup innovantes à haut potentiel technologique) dans ce domaine est révélateur sur les enjeux de ce marché, à l’instar de Jumpstart qui assure les populations sur les risques liés aux tremblements de terre ou de la société française Descartes Underwriting qui modélise des risques et créé des produits d’assurance paramétrique.
Cependant, l’assurance paramétrique ne trouvera pas systématiquement son public puisque l’expérience Fizzy, assurance paramétrique basée sur la blockchain dans le domaine du transport aérien qui proposait d’indemniser les passagers en cas de retard de vol, s’est terminée en cette année 2019.
Néanmoins, le marché semble prometteur selon Antoine Denoix : « Il y a vrai trou d’assurance sur les événements climatiques. Dans le monde, 90 % des pertes économiques liées aux intempéries ne sont aujourd’hui pas couvertes par l’assurance. L’assurance paramétrique permet de compléter l’assurance traditionnelle »